Petit test de CartoDB, le service qui vous fait aimer les SIG et l’OpenData

Le concours Cartovitz a pris fin le 11 avril, mais par l’intermédiaire de Nicolas Fonty (voir son site ici), j’ai découvert le site Carto DB. A l’aide de ce service, je me suis rendu sur le portail Open data de la Région Ile-de-France pour tester les données mises à disposition et voir ce qu’il était possible d’en tirer.

Carto DB est un moteur cartographique d’analyse et de visualisation basé sur le « cloud’ (le nuage en français). Très simple d’utilisation, il suffit de glisser des bases de données géo-référencées (format xls, csv, kml, sql, geojson etc….) dans Carto DB pour ensuite la faire apparaitre sur le site. Une fois l’opération réalisée, il est facile de géo-localiser les données sur un fond de carte (plusieurs fonds de cartes avec des esthétiques et des niveaux de détails différents sont proposés).

Après un temps de lecture et de compréhension du site, j’ai exploré, à l’instar des participants du concours Cartoviz les jeux de données de la Région Ile-de-France. Mon objectif en tant qu’urbaniste était de voir quelles données pouvaient m’être intéressantes à utiliser et si un tel site présentait d’une façon ou d’une autre un intérêt pour ma pratique professionnelle.

Une fois sur le portail Opendata de la région Ile-de-France, j’ai sélectionné uniquement des jeux de données géo-localisés. J’ai sélectionné dans un premier temps la population communale active au quart. Une fois le fichier chargé en format .geojson, la table indique automatiquement les coordonnées géographiques et en cliquant sur le bouton « Map », ma carte s’affiche automatiquement. J’ai fait d’autres essais très concluant avec les autres formats, notamment Excel et Csv : il suffit de changer dans la table la nature des données (mettre les nombres…en nombres) et le tour est joué à condition d’avoir la longitude et la latitude dans des colonnes distinctes.

En suivant la nomenclature INSEE, je choisis la colonne que je souhaite afficher, c’est-à-dire dans ce cas uniquement le nombre de personnes actives de 15 à 64 ans par communes.

Il est possible de choisir alors différents modes de représentation des données, pour ce type de données, je choisis une représentation par plage de couleurs (choropleth).

Voici le premier résultat que j’obtiens (cliquer sur l’image pour agrandir):

Capture d’écran 2014-04-15 à 15.19.36

Par la suite, j’ intègre un nouveau jeu donnée comprenant les localisations de tous les cinémas en Ile-de-France en 2013, toujours au format Geojson. Dès lors, il m’est possible de rajouter un calque et de faire apparaitre les salles de cinéma sur cette même carte. Pour des raisons de lisibilité, je fais apparaitre les points sous la forme d' »intensité »:

Capture d’écran 2014-04-15 à 15.27.35

Il est par la suite possible d’effectuer de nombreux ajustements dans le mode de représentation. Il aurait été possible de faire apparaitre les salles de cinéma par enseigne (où existe-t-il le plus d’UGC et le moins de salles d’art et d’essai ?), mais l’objectif de cet article est davantage de proposer un test de cet outil qu’une réelle analyse du lien entre population active et implantation des cinémas en Ile-de-France. Car le plus surprenant avec ce service, c’est bien le temps d’exécution et de réalisation de ces cartographie : 30 minutes pour une première prise en main.

Quant au portail Open Data de la Région Ile-de-France, il est  très alimenté, notamment en matière de fichier liés au transports et aux données socio-économiques. Ce qui peut être utile pour les urbanistes, même si par la suite, on a envie d’avoir toujours plus de données. D’autre part, les fichiers INSEE étaient ici déjà géo-localisés, ce qui n’est pas toujours le cas compte-tenu des nomenclatures propres à cet institut.

Quoiqu’il en soit l’ergonomie et la souplesse d’utilisation de ce site permet une rapide prise en main d’outils SIG et permet de générer des visualisations très intéressantes pour l’analyse de données. Bien que payant via un système d’abonnement, un outil tel que Carto DB a des avantages manifestes et a un intérêt majeur grâce au cloud : l’actualisation de la carte de façon immédiate lorsque la base de donnée est modifiée.

Si l’émergence du GéoWeb n’est pas nouvelle (voir les travaux de Thierry Joliveau sur le sujet par exemple ici : http://mondegeonumerique.wordpress.com/2010/06/24/le-geoweb-pour-les-nuls/), un accès aussi facile aux outils geomatiques est pour ma part quelque chose de relativement inédit.

A l’heure où la directive européenne Inspire établit une infrastructure homogène de l’information géographique dans la Communauté Européenne et où la législation communautaire européenne poussent les pays déjà engagés dans l’Open data à aller de l’avant, ce type d’outil présente l’avantage de faciliter l’accès aux SIG.  Ce qui amène à penser que l’un des enjeux de l’Open Data n’est pas uniquement de mettre à disposition des données « accessibles » en terme de format mais aussi de créer des outils pour fluidifier le traitement de celles-ci.

C’est un enjeu manifeste pour les urbanistes, mais aussi pour tous les citoyens : car bien que payant, un outil de ce type est en mesure de permettre le développement d’une expertise citoyenne étayée. On ne peut que s’en réjouir.

Liens : 

Un autre article sur le sujet :

http://korben.info/cartodb-faire-carte-monde-csv-donnees.html

Moins complet mais gratuit, le service google fusion table est aussi à essayer :

http://www.google.com/drive/apps.html#fusiontables

 

 

Quelle place pour les citoyens dans la Métropole du Grand Paris ? Retour sur le Métrokawa du 11 mars 2014

Pour ce Métrokawa intitulé « la métropole du Grand Paris : décryptage, débat et propositions pour une participation citoyenne dans la métropole » co-organisé par l’Association Métropop’ et l’Association des Maires de France Ville et Banlieue de France (AMVBF), le lieu était particulièrement bien choisi, la salle de la Parole Errante à Montreuil n’a pas désempli : environ 140 personnes d’origines et de professions diverses étaient présentes, preuve s’il en est que le sujet intéresse et mobilise.

Les invités étaient tous des acteurs majeurs, à différents niveaux, de la construction de la métropole : Emmanuel Duru, conseiller technique en charge des collectivités territoriales au cabinet de Mme Escoffier (Ministre déléguée auprès de la réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique), Pierre Mansat, adjoint au Maire de Paris chargé de Paris Métropole et de la coopération territoriale et Président de l’Atelier International du Grand Paris (AIGP), Marie Deketelaere-Hanne, directrice du syndicat d’étude Paris Métropole qui co-présidera l’étude de préfiguration de la métropole du Grand Paris et Valérie Grémont, auteur d’importantes contributions citoyennes sur le Grand Paris depuis 2008 et chargée du Comité de Développement (CODEV) de Plaine Commune.

La soirée a débuté par un temps de présentation technique de la loi relative à « la Modernisation de l’Action Publique Territoriale et l’Affirmation des Métropoles » (MAPTAM) adoptée par le Parlement le 19 décembre 2013 et à ce qu’elle prévoit en terme d’organisation, de financements, et de compétences pour la future métropole, puis elle s’est poursuivie par un second temps dédié à des questions sur la place du citoyen dans la future métropole.

Au 1er Janvier 2016, 124 communes dont Paris seront incluses dans le périmètre de ce nouvel Etablissement Public de Coopération Intercommunal (EPCI) et 43 communes seront également susceptibles de venir s’ajouter à ce périmètre. Au total, la Métropole du Grand Paris regroupera 6,7 millions d’habitants, soit la moitié des habitants de la région.

A3_Perimetre metropole GD Paris
Périmètre de la Métropole du Grand Paris – Carte issue des données de l’IAU-IDF

En se focalisant sur les questions de financement de la métropole, le Métrokawa a permis de mieux cerner les mécanismes budgétaires et fiscaux qui forment un socle important de l’expression de la citoyenneté et de la solidarité républicaine. Comme tous les EPCI, celle-ci sera financée par des financements propres (environ 60% des ressources) et par des dotations de l’Etat (40%), pour un budget de total de 3,9 milliards d’euros. La loi de finance de 2010 a supprimé la taxe professionnelle qui était la ressource fiscale mutualisée au sein des EPCI, et l’a remplacée par une contribution économique territoriale (CET) à deux composantes : la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont le taux est fixé au niveau national selon des plafonds progressifs en fonction du chiffre d’affaire et de la taille des entreprises. D’autre part, cette loi a créé un impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour les activités dites « non délocalisables » (énergie, télécom, transports…). D’autres ressources fiscales peuvent venir financer les EPCI directement liées aux compétences transférées. Enfin, le concours de l’Etat sera formé par des dotations : dotation globale de fonctionnement et attributions fiscales de péréquation et de compensation. Si ces règles ne sont pas propres qu’à la future Métropole du Grand Paris, la question de la lisibilité fiscale pour les citoyens est à soulever : comment faire prendre conscience au citoyen de l’existence d’une telle structure alors qu’elle n’apparait quasiment pas sur nos feuilles d’impôts ? Comment évaluer le rôle et l’action de la future Métropole alors que son financement n’apparait nulle part dans notre quotidien [1] ?

La gouvernance de la future Métropole du Grand Paris est aussi un point sur lequel l’implication des citoyens est à imaginer. Siégeront au conseil de la Métropole 337 élus : Paris aura 26% des sièges sur les 337 prévus. Les futurs conseillers métropolitains seront répartis de la façon suivante : 1 conseiller par commune puis 1 conseiller par tranche de 25 000 habitants par commune (par exemple Montreuil compte environ 100 000 habitants, elle aura donc 5 conseillers qui siègeront). Deux organes consultatifs seront aussi crées : le conseil des maires et le conseil de développement réunissant des acteurs politiques, sociaux et culturels.

Au niveau territorial, des conseils de territoires seront crées, ils reprennent une logique « d’arrondissements » et doivent recouvrir des périmètres comprenant au moins 300 000 habitants. Les conseillers territoriaux auront le même mode de désignation que les conseillers métropolitains sauf que leur nombre sera doublé (Montreuil aura par exemple au conseil de territoire 2 élus auxquels s’ajoutent 8 élus par tranche de 25 000 habitants, soit 10 élus au total). La question des périmètres des conseils de territoire n’est aujourd’hui pas encore tranchée même s’il y a fort à parier que des périmètres d’EPCI déjà existants [2]ou de Contrat de Développement Territoriaux pourront être repris. A ce niveau, la place des citoyens est à construire également : alors que se déroulent actuellement les élections municipales, il sera possible pour la première fois d’élire au suffrage universel direct les conseillers communautaires c’est-à-dire les élus siégeants dans les EPCI dans les communes de plus de 1000 habitants. En terme de lisibilité démocratique, c’est une avancée majeure.

Alors que la presse fait état des luttes de pouvoirs pour la future présidence de la Métropole du Grand Paris, il existe un déficit de débat sur la métropole au niveau municipal. Au moment où les électeurs franciliens élisent leurs représentants, il est étonnant de peu voir apparaitre la question de la métropole dans les discussions politiques alors que ce sont les conseils municipaux élus durant les prochaines élections qui désigneront les représentants au conseil de la métropole et aux conseils de territoire. Il apparait évident que cette situation n’est pas de nature à générer une meilleure compréhension du fonctionnement institutionnel de la future métropole. Pire, cette situation est de nature à affaiblir encore davantage la confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs représentants.

De même qu’un certain nombre de compétences sont appelées à être transférées, le rôle des élus est aussi appelé à évoluer. Demain, les élus auront pour mission de relayer les débats métropolitains, mais aussi de mobiliser les citoyens pour des projets politiques au sein de la métropole. S’il sera possible d’intégrer la société civile au sein des conseils de développement, il faudra aussi envisager des incitations plus fortes pour faire participer les habitants dans la construction et la gouvernance de la future métropole. Les projets ou actions portés par des communes ou des groupements de communes qui auront su mobiliser les citoyens gagneront sans doute légitimité au sein du futur Conseil Métropolitain. Cette légitimité apparait d’autant plus grande que ces projets auront pour source de financement une dotation territoriale de péréquation : une forte mobilisation des habitants serait alors un gage appréciable de durabilité des projets et des politiques publiques.

Alors que la loi Vaillant de 2002 relative à la démocratie de proximité fixe une grande latitude au maire pour organiser la vie démocratique locale, celui-ci a aujourd’hui toutes les cartes entre les mains pour mobiliser et animer son territoire. Cette nécessité de mobiliser et d’animer le territoire est aussi directement liée aux futures compétences de la Métropole du Grand Paris. Si les grandes compétences ont été décidées, il reste encore beaucoup de clarifications à apporter. Demain, la métropole aura en charge l’aménagement de l’espace métropolitain, la politique de l’habitat, la politique de la ville, les projets culturels métropolitains et l’environnement. Toutes ces compétences sont en pleine évolution, notamment la nouvelle loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et celle de programmation pour la ville et la rénovation urbaine votées très récemment. Sans entrer dans le détail de chacune de ces compétences, la participation des habitants peut là aussi être un levier pour mieux construire les territoires du Grand Paris. Leur association dans les phases de diagnostic pour la construction des futurs documents de planification territoriaux peut s’avérer un moyen de mieux prioriser les enjeux et de permettre une meilleure acceptation du projet par les acteurs politiques. Alors qu’aujourd’hui, comme le soulignait des personnes du public, les méthodes, l’utilité et les technologies participatives sont mûres, pourquoi ne pas s’en servir comme levier pour les futurs projets inhérents à la métropole ?

Plusieurs participants et invités ont souligné l’absence de projets pour la Métropole. Si aujourd’hui la loi MAPTAM est une avancée pour la gouvernance de la future métropole, la mission de préfiguration aura aussi comme objectif de retisser des liens de confiance entre les citoyens et la métropole. Pierre Mansat propose l’organisation d’une réunion dans chacune des 124 communes. Il est également proposé d’intégrer les habitants dans des groupes de travail ad hoc. Ces propositions vont dans le bon sens, mais la construction d’une métropole partagée reste aujourd’hui un chantier en soi. Lors du Métrokawa, Valérie Gremont a insisté particulièrement sur le fait que le niveau d’acceptabilité politique est atteint, et que la métropole génère de nombreuses craintes et incertitudes au sein des administrations territoriales et de leurs territoires.

Le fort engouement pour ce Métrokawa ainsi que la quantité de questions quant à la place des citoyens amènent à penser que la démocratie est un enjeu fort dans la construction de la métropole. Si la Métropole du Grand Paris doit être un vecteur d’attractivité au niveau mondial et un instrument pour lutter contre la ségrégation socio-spatiale, le chantier de la métropole doit être aussi celui de la transparence politique. C’est une urgence, à l’heure où le taux d’abstention atteint encore de nouveaux sommets.

[1] Une taxe spéciale d’équipement (TSE) est comprise dans les impôts locaux, cependant celle-ci est destinée à financer le métro du Grand Paris.  

[2] Plaine Commune, Est Ensemble, Grand Paris Seine Ouest

Sources et liens :

Note Rapide « La métropole du Grand Paris : décryptage(s) – IAU-IDF – mars 2014

http://www.iau-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_1056/NR_644.pdf

Métropole du Grand Paris – Préfet de la région Ile-de-France – 12 février 2014

http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/metropole-du-grand-paris-a4446.html

Le financement de l’intercommunalité par Alain Lemoine – wikiterritorial -25 juin 2013

http://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/wiki/econnaissances/view/Notions-Cles/Lefinancementdelintercommunalite#H5.1.1DesdE9pensesetdesrecettesdefonctionnementdesgroupementsE0fiscalitE9propreenfortecroissance

Société du Grand Paris – Coût et financements :

http://www.societedugrandparis.fr/cout-et-financements